Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/33

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mon avis, à votre exemple, je remplis un devoir envers ma patrie ; et-qu’au moins, si je me trompe dans mon sentiment, cette erreur ne peut nuire à personne.

Au premier coup d’œil jeté sur ces institutions, je vois d’abord qu’un spectacle est un amusement ; et, s’il est vrai qu’il faille des amusements à l'homme, vous conviendrez au moins qu’ils ne sont permis qu’autant qu’ils sont nécessaires, et que tout amusement inutile est un mal pour un être dont la vie est si courte et le temps si précieux. L’état d’homme a ses plaisirs, qui dérivent de sa nature, et naissent de ses travaux, de ses rapports, de ses besoins ; et ces plaisirs, d’autant plus doux que celui qui les goûte a l’âme plus saine, rendent quiconque en sait jouir peu sensible à tous les autres. Un père, un fils, un mari, un citoyen, ont des devoirs si chers à remplir, qu’ils ne leur laissent rien à dérober à l’ennui. Le bon emploi du temps rend le temps plus précieux encore ; et mieux on le met à profit, moins on en sait trouver à perdre. Aussi voit-on constamment que l’habitude du travail rend l’inaction insupportable, et qu’une bonne conscience éteint le goût des plaisirs frivoles : mais c’est le mécontentement de soi-même c’est le poids de l’oisiveté, c’est l’oubli des goûts simples et naturels, qui rendent si nécessaire un amusement étranger. Je n’aime point qu’on ait besoin d’attacher incessamment son cœur sur la scène, comme s’il était mal à son aise au-dedans de nous. La nature même a dicté la réponse de ce bar-