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punisse de né s’être pas fait un entendement a contraire à celui qu’il a reçu de lui ? Si un docteur venait m’ordonner de la part de Dieu de croire

qui semble animer les incrédules : c’est que la raison humaine n’a pas de mesure commune bien déterminée, et qu’il est injuste à tout homme de donner la sienne pour règle à celle des autres, Supposons de la bonne foi, sans laquelle toute dispute n’est que du caquet. Jusqu’à certain point il y a des principes communs, une évidence commune ; et de plus, chacun a sa propre raison qui le détermine ainsi ce sentiment ne mène point au scepticisme ; mais aussi, les bornes générales de la raison n’étant point fixées, et nul n’ayant inspection sur celle d’autrui, voilà tout d’un coup le fier dogmatique arrêté. Si jamais on pouvait établir la paix où règnent l’intérêt, l'orgueil l’opinion, c’est par là qu’on terminerait à la fin les dissensions des prêtres et des philosophes. Mais peut-être ne serait-ce le compte ni des uns ni des-autres : il n’y aurait plus ni persécutions ni disputes ; les premiers n’auraient personne à tourmenter les seconds personne à convaincre ; autant vaudrait quitter le métier.

Si l’on me demandait là-dessus pourquoi donc je dispute moi-même je répondrais que je parle au plus grand nombre, que j’expose des vérités de pratique, que je me fonde sur l’expérience, que je remplis mon devoir, et qu’après avoir dit ce que je pense je ne trouve point mauvais qu’on ne soit pas de mon avis.

Il faut se ressouvenir que j’ai à répondre à un auteur qui n’est pas protestant ; et je crois lui répondre en effet, en montrant que ce qu ’il accuse nos ministres de faire dans notre religion*s’y ferait inutilement, et se fait nécessairement dans plusieurs autres sans qu’on y songe.

Le monde intellectuel, sans en excepter la géométrie, est plein de vérités incompréhensibles, et pourtant incontestables, parce que la raison qui les démontre existantes ne peut les toucher, pour ainsi dire, à travers les bornes qui l’arrêtent, mais seulement les.apercevoir. Tel est le dogme de l’existence de Dieu, tels sont les mystères admis dans -les communions protestantes. Les mystères qui heurtent la raison, pour me servir des termes de M. d'Alembert, sont tout autre chose. Leur- contradiction même les fait rentrer dans ses bornes ; elle a toutes les prises imaginables pour sentir qu’ils n’existent pas : car, bien qu on ne puisse voir une chose absurde, rien n est si clair que l ’absurdité. Voilà ce qui arrive lorsqu’on soutient à la fois deux propositions contradictoires. Si vous me dites qu’un espace d ’un pouce est aussi un espace d’un pied, vous ne dites point