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-ter ces passions, les spectateurs seraient bientôt rebutés, et ne voudraient plus se voir sous un aspect qui les fît mépriser d’eux-mêmes. Que s’il donne à quelques-unes des couleurs odieuses, c’est seulement à celles qui ne sont point générales et qu’on hait naturellement…. Et alors ces passions de rebut sont employées à en faire valoir d’autres, sinon plus légitimes, du moins plus au gré des spectateurs. Il n’y a que la raison qui ne soit bonne à rien sur la scène. Un homme « sans passions, ou qui les dominerait toujours, n’y saurait intéresser personne.... Qu’on n’attribue donc pas au théâtre le pouvoir de changer des sentiments ni des mœurs qu’il ne peut que suivre et embellir. »

La scène est un tableau des passions dont le germe est dans notre cœur : voilà le vrai ; mais l’original du tableau est dans le cœur de peu de personnes. S’il n’y avait à la cour que des Narcisses , Britannicus n’y serait point souffert ; s’il n’y avait que des Burrhus, Britannicus y serait inutile ; mais il y a des hommes vaguement ambitieux et irrésolus encore , ou mal affermis dans la route qu’ils doivent suivre ; c’est pour ceux-là que Britannicus est une leçon, et n’est point une insulte.

Il y a partout des passions nationales, et constitutives de la société : tel était l’amour de la domination chez les Romains, l’amour de la liberté chez les Grecs, l’amour du gain chez les Carthaginois ; tel est parmi nous l’amour de la gloire, ou du moins celui de l’honneur. Il est certain que le