Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/265

Cette page n’a pas encore été corrigée

1° Il avouera que ce mal existe à Genève sans le spectacle, à moins que boire, jouer et fumer ne lui semblent des occupations utiles. 2° Un amusement qui délasse et console la vie laborieuse, qui occupe et détourne du mal la vie oisive et dissipée, n’est pas sans quelque utilité. 3° Peut-être y a-t-il des devoirs pour tous les instants de la vie, peut-être une heure de dissipation est-elle un larcin fait à la société ? Mais à qui le persuaderez-vous ? Et si la société se relâche elle-même de ses droits ; si elle vous dit : J’exige moins pour obtenir plus sûrement, plus librement ce que j’exige ; si les hommes, pour n’être ni tyrans, ni esclaves les uns des autres, se permettent par intervalles cet oubli mutuel et passager ; s’ils vous répondent enfin qu’ils ne vivent ensemble que pour être heureux, et que le délassement est un besoin de leur faiblesse ; avez-vous à leur répliquer que vous êtes hommes comme eux, et que tous vos moments sont pleins ? Je sais qu’il n’y a que l’homme qui broute, dont la société n’ait rien à exiger ; mais elle n’attend de personne une servitude assidue. Promenez-vous donc sans remords deux heures du jour à la campagne, tandis qu’à Paris nous les passons à entendre Athalie ou Cinna, le Misanthrope ou le Tartufe.

« Un barbare à qui l’on vantait la magnificence du cirque et des jeux établis à Rome, demanda : Les Romains n’ont-ils ni femmes ni enfants ? Ce barbare avait raison. »

Ce barbare ne savait pas que le premier besoin