Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/264

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-tisme éclairé, vigilant et courageux, cette éloquence noble et simple, qui n’a rien d’inculte et rien d’étudié , où la douceur et la véhémence, les images et les sentiments, le ton philosophique et le langage populaire sont mêlés avec d’autant plus d’art, que l’art ne s’y fait point sentir. Telle est la justice que j’aime à rendre aux institutions et aux talents de M. Rousseau. Mais que, pour détourner les Génevois de l’établissement proposé, il leur présente le théâtre le plus décent de l’univers comme l’école du vice, les poètes comme des corrupteurs, les acteurs comme des gens non-seulement infames , mais vicieux par état, les spectateurs comme un peuple perdu, et à qui le spectacle n’est utile que pour dérober au crime quelques heures de leur temps ; c’est ce que l’évidence de la vérité peut seule rendre pardonnable. Je crains bien que M. Rousseau n’ait écrit toutes ces choses dans cette fermentation qu’il croit apaisée, et qui peut-être ne l’est pas assez. Quoi qu’il en soit, d’autres imiteront, en lui répondant, l’amertume de son style, et croiront être aussi éloquents que lui quand ils lui auront dit des injures.

Pour moi, je suppose qu’il a voulu effrayer ses concitoyens, et qu’il a oublié Paris pour ne s’occuper que de Genève. Je vais donc le suivre pas à pas, sans humeur et sans invective.

Il considère d’abord le spectacle comme un amusement. « Or, dit-il, tout amusement inutile est un mal pour un être dont la vie est si courte et le temps si précieux. »