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peut paraître ridicule à Paris, quoique très-sensé pour Genève ; et M. Rousseau a sur nous l’avantage de mieux connaître sa patrie. Il est vraisemblable qu’en deux ans de comédie tout serait bouleversé, c’est-à-dire qu’on n’irait plus, à l’heure du spectacle, fumer, s’enivrer et médire dans les cercles ; et que l’agréable vie de Paris prendrait à Genève la place de l’ancienne simplicité. M. Rousseau se plaint déjà qu’on y élève les jeunes gens à la française.

« On était plus grossier de mon temps, dit-il

les enfants étaient de vrais polissons ; mais ces

polissons ont fait des hommes qui ont dans le cœur du zèle pour servir la patrie, et du sang à verser pour elle. »

M. Rousseau croit être à Lacédémone. Mais Genève, ne lui déplaise, a de meilleurs garants de sa liberté que les mœurs de ses citoyens ; et, grace à la constitution de l’Europe, elle n’a pas besoin d’élever des dogmes pour sa garde. Cependant que le goût du luxe, inséparable de celui du spectacle, que les maximes de nos tragédies , peinture comique de nos mœurs, le silence même et la gêne qui règne dans nos assemblées, et qu’il regarde comme indigne de l’esprit républicain, que tousses inconvénients soient tels qu’il les envisage par rapport à Genève, il est plus en étal que nous d’en juger. Qu’il choisisse à sa patrie les fêtes, les jeux, les spectacles qui lui conviennent ; c’est un soin que nous lui laissons. Nous applaudissons à son zèle ; nous admirons ce patrio-