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ajoute qu’il est impossible qu’un établissement si contraire aux anciennes maximes de sa patrie, y soit généralement applaudi. « Supposons cependant, poursuit-il, supposons les comédiens bien établis dans Genève, bien contenus par nos lois, la comédie florissante et fréquentée ; le premier effet sensible de cet établissement sera une ré-volution dans nos usages, qui en produira nécessairement une dans nos mœurs. »

Au lieu de spectacles, Genève a des cercles, ou sociétés, de douze ou quinze personnes, qui louent, à frais communs, un appartement commode, où les associés se rendent. « Là, chacun se livrant aux amusements de son goût, on joue, on cause, on lit, on boit, on fume ; lés femmes et les filles se rassemblent de leur côté, tantôt chez l’une, tantôt chez l’autre ; les hommes, sans être fort sévèrement exclus de ces sociétés, s’y mêlent assez rarement… Mais dès l’instant qu’il y aura une comédie, adieu les cercles, adieu les sociétés. » Voilà, dit M. Rousseau, la révolution que j’ai prédite.

Il avoue que l’on boit beaucoup, et que l’on joue trop dans les cercles ; mais il soutient, avec son éloquence, qu’il vaut mieux être ivrogne que galant, et croit l’excès du jeu très-facile à réprimer, si le gouvernement s’en mêle. Il convient aussi que les femmes, dans leur société, se livrent volontiers au plaisir de médire ; mais par là même elles tiennent lieu de censeurs à la république. « Combien de scandales publics ne retient pas la crainte de ces sévères observatrices ! » Tout cela