Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/20

Cette page n’a pas encore été corrigée

-cyclopédie, que j’ai fourni quelques articles à l’ouvrage, que mon nom se trouve avec ceux des auteurs ; il faudrait que mon zèle pour mon pays fût moins connu, qu’on supposât que l’article Genève m’eût échappé, ou qu’on ne pût inférer de mon silence que j’adhère à ce qu’il contient ! Rien de tout cela ne pouvant être, il faut donc parler : il faut que je désavoue ce que je n’approuve point, afin qu’on ne m’impute pas d’autres sentiments que les miens. Mes compatriotes n’ont pas besoin de mes conseils, je le sais bien ; mais moi, j’ai besoin de m'honorer, en montrant que je pense comme eux sur nos maximes. Je n’ignore pas combien cet écrit, si loin de ce qu’il devrait être, est loin même de ce que j’aurais pu faire en de plus heureux jours. Tant de choses ont concouru à le mettre au-dessous du médiocre où je pouvais autrefois atteindre, que je m’étonne qu’il ne soit pas pire encore. J’écrivais pour ma patrie : s’il était vrai que le zèle tînt lieu de talent, j’aurais fait mieux que jamais ; mais j’ai vu ce qu’il fallait faire, et n’ai pu l’exécuter. J’ai dit froidement la vérité : qui est-ce qui se soucie d’elle ? Triste recommandation pour un livre ! Pour être utile il faut être agréable ; et ma plume a perdu cet art-là. Tel me disputera malignement cette perte. Soit : cependant je me sens déchu, et l’on ne tombe pas au-dessous de rien.

Premièrement, il ne s’agit plus ici d’un vain babil de philosophie, mais d’une vérité de pratique importante à tout un peuple. Il ne s’agit plus de parler au petit nombre, mais au public ; ni de faire penser les autres, mais d’expliquer nettement ma pensée. Il a donc fallu changer de style : pour me faire mieux entendre à tout le monde, j ’ai dit moins de choses en plus de mots ; et voulant être clair et simple, je me suis trouvé lâche et diffus.

Je comptais d’abord sur une feuille ou deux d’impression tout au plus : j’ai commencé à la hâte ; et mon sujet s’étendant sous ma plume, je l’ai laissée aller sans contrainte. J’étais malade et triste ; et, quoique j’eusse grand besoin de distraction, je me sentais si peu en état de penser et d’écrire, que, si l’idée d’un devoir à remplir ne m’eût soutenu, j’aurais jeté cent fois