Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée

PRÉFACE


J’ai tort si j’ai pris en cette occasion la plume sans nécessite. Il ne peut m’être ni avantageux ni agréable de m’attaquer à M. d'Alembert. Je considère sa personne ; j’admire ses talents ; j’aime ses ouvrages ; je suis sensible au bien qu’il a dit de mon pays : honoré moi-même de ses éloges, un juste retour d’honnêteté m’oblige à toutes sortes d’égards envers lui ; mais les égards ne l’emportent sur les devoir que pour ceux dont toute la morale consiste en apparences. Justice et vérité, voilà les premiers devoirs de l’homme. Humanité, patrie, voilà ses premières affections. Toutes les fois que des ménagements particuliers lui font changer cet ordre, il est coupable. Puis-je l’être en faisant ce que j’ai dû ? Pour me répondre, il faut avoir une patrie à servir, et plus d’amour pour ses devoirs que de crainte de déplaire aux hommes.

Comme tout le monde n’a pas sous les yeux l’Encyclopédie, je vais transcrire ici de l’article Genève le passage qui m’a mis la plume à la main. Il aurait dû l’en faire tomber, si j’aspirais à l’honneur de bien écrire ; mais j’ose en rechercher un autre, dans lequel je ne crains la concurrence de personne. En lisant ce passage isolé, plus d’un lecteur sera surpris du zèle qui l’a pu dictera en le lisant dans son article, on trouvera que la comédie, qui n’est pas à Genève, et qui pourrait y être, tient la huitième partie de la place qu’occupent les choses qui y sont.

« On ne souffre point de comédie à Genève : ce n’est pas qu’on y désapprouve,les spectacles en eux-mêmes ; mais on craint, dit-on, le goût de parure, de dissipation et de libertinage, que les troupes de comédiens répandent parmi la jeunesse. Cependant ne serait-il pas possible de remédier à cet inconvénient par des lois sévères et bien exécutées sur la conduite des comédiens ? Par ce moyen Genève aurait, des