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MIRABEAU.

citations, qui atteste de laborieuses lectures, mais qui, trop souvent, par ses prodigalités débordantes, irrite ou fait sourire.

Démosthènes, Cicéron, Tite-Live, César, Salluste, Juvénal, Tacite surtout dont il abuse à l’excès, tous y passent ; Montaigne et Montesquieu comme les autres…. Un seul paraît oublié, à qui cet emprunteur insatiable devait pourtant bien un souvenir. Dans l’Essai sur le despotisme, le Traité de la servitude volontaire, le Contre-Un, n’est pas cité une seule fois. Et tandis que l’empreinte d’Étienne de la Boëtie se montre partout, son nom n’est écrit nulle part.

Mirabeau avait emporté son manuscrit en Hollande. Il le vendit 1500 livres à un libraire d’Amsterdam qui en tira beaucoup d’argent. Grâce à la vogue rapide de son ouvrage, l’écrivain en détresse reçut, de toutes mains, des commandes vulgaires, qu’il exécutait au jour le jour, d’une main fiévreuse et qui ne valent pas qu’on s’y arrête : préfaces, pamphlets, brochures politiques, manuels de franc-maçonnerie, recueils d’anecdotes, poèmes burlesques et nouvelles à la main,… littérature famélique que l’occasion faisait naître et qu’activait le besoin de vivre, ingenii largitor venter.

À côté de ces labeurs mercenaires, il faut noter cependant un écrit plein d’audace, où, sans autre souci que l’horreur du despotisme, Mirabeau défendait la plus touchante des causes et la plus juste.

Les insurgents d’Amérique venaient d’engager la