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MIRABEAU.

contre cette grande mémoire, les griefs féodaux de l’Ami des hommes :

« Combien de fois ne l’a-t-on pas loué en France ? dit-il ; ces louanges lui seraient très justement acquises s’il avait été chargé de détruire la nation ; mais elles sont la honte de la France. Malheureusement, très malheureusement, Richelieu, Louvois et Colbert étaient des hommes de génie, et Mazarin lui-même avait de grands talents. »

Louis XIV ne l’intimide pas davantage : en quelques lignes, il fait du grand Roi et du grand règne un tableau qu’il faut retenir.

« Il fut, de nos jours, un roi qui trouva son autorité très ébranlée en apparence, car la moitié de ses sujets avait les armes à la main contre ses ministres ; mais elle était très solide, car elle était gravée dans le cœur de ses sujets. Il oublia les services des grands pour se souvenir des injures qu’ils avaient faites à son ministre, et les regarda comme personnelles. Il énerva toute autorité dont il n’était pas le collateur immédiat, parce qu’il ne voyait, de bonne foi, rien au-dessus de son autorité. Il sembla vouloir imiter les sculpteurs qui, d’un bloc de marbre ou d’un figuier, font un Jupiter. Il crut qu’avec sa pleine puissance, son autorité royale et son bon plaisir, il ferait d’un homme de robe un ministre de la guerre, d’un édit une source de richesses. Il réunit tout le nerf encore existant de la nation et le fit servir à sa gloire et à celle de sa maison qu’il détacha toujours, faute de lumière, de la gloire et des véritables intérêts de