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MIRABEAU.

hardi, par l’étrangeté de ses propos et de ses allures, cette jeune femme, mal mariée, avait mis le feu à la petite ville endormie.

L’arrivée de son frère fut pour elle un renfort bienvenu. Elle l’enrôla dans ces querelles de province. Elle l’enveloppa dans ces bavardages de salons, dans ces commérages de bastides. Un jour, à Sartous, où ils se trouvaient en bruyante compagnie, Mirabeau se prit de dispute avec un homme qui avait deux fois son âge et qui portait un des plus grands noms de la Provence. On en vint aux coups en plein soleil, et les deux gentilshommes se battirent comme des portefaix, roulant l’un sur l’autre dans la poussière de la route, pendant que Mme de Cabris et ses amies se pâmaient de rire à l’ombre des micocouliers.

Ce fut un affreux scandale, et il fallut faire partir au plus vite Mirabeau. Il n’y avait eu dans cette bagarre que quelques égratignures, d’assez violentes contusions, et un parasol cassé en deux sur les épaules d’un des combattants. Mais le Provençal battu se plaignit. Le lieutenant criminel de la sénéchaussée se mit en campagne, et un décret de prise de corps fut lancé contre le vainqueur, accusé de tentative d’assassinat.

C’était beaucoup de bruit et un bien gros mot pour une bien chétive aventure. Mais cette fois encore, ce fut un abus de pouvoir et un privilège de noblesse qui sauva le futur tribun ; cette fois encore, une lettre de cachet, sollicitée par son père, le déroba aux poursuites de la justice ; et, le 20 sep-