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MIRABEAU.

mêlée, le chargeant de négocier à la fois, avec sa femme, avec son rendre et avec ses filles ; mettant dans ses mains tous les fils de ces affaires embrouillées. Le jeune ambassadeur remplit son rôle comme il l’avait conçu, à sa façon et à son profit ; il y montra plus de hardiesse que de scrupules ; cherchant à se faire partout bien venir ; reportant de l’un à l’autre les propos les plus choquants et les confidences les plus étranges ; « jaugeant sa mère » à sa mesure et couvrant de ses plaisanteries équivoques les désordres les plus affligeants du foyer paternel. Le marquis ne faisait qu’en rire ; le temps était loin où il « n’aimait pas les pères et les fils camarades ».

Ces négociations véreuses retardèrent de quelques mois le commencement des hostilités, et, durant cette accalmie, Mirabeau fit, sur une petite scène, l’apprentissage orageux de la vie politique. Après une courte apparition à Versailles, où il étonna la cour par son audacieux entregent et ses familiarités hasardeuses, il alla, par ordre de son père, se montrer à ses vassaux du Limousin et de la Provence.

Dans le Limousin, tout réussit le mieux du monde. Des fêtes champêtres, des discours, des banquets villageois ; l’installation solennelle d’un tribunal de conciliation imaginé par l’Ami des hommes ; un peuple respectueux et timide qui s’attendrissait aux homélies de ses curés et aux harangues sentimentales de son seigneur ;… la baronnie de Pierre-Buffières crut connaître l’âge d’or.