Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53
MIRABEAU.

essaie de glisser par surprise un cours d’économie politique et l’explication du tableau physiocratique de Quesnay.

Mirabeau reste deux ans dans cette école d’acclimatation ; capricieux, inégal, cahoté du cachot au banc d’honneur, aussi incommode dans ses succès que dans ses disgrâces. On veut le mettre à la porte ; ses camarades le réclament et le font rester ; non pas qu’ils l’aiment fort, mais il est à leurs yeux un personnage…. Le bruit qu’il fait les amuse ; son air d’importance les grandit ; sans lui la maison serait vide…. À dix-sept ans il se couvre de gloire en déclamant un morceau de sa façon, un parallèle entre le grand Condé et Scipion l’Africain. Il commence à faire du bruit dans le monde. « Le jeune aiglon vole déjà sur les traces de son illustre père », dit le journal de Bachaumont.

Mais les Mirabeau sont d’épée, et l’âge est venu de mettre au service l’aîné de la maison, M. de Pierre-Buffières ; c’est sous ce nom sonore que le petit gentilhomme « ira dans le monde », comme on disait dans ce temps-là.

Son père l’envoie à Saintes, au régiment de Berri-Cavalerie, commandé par le marquis de Lambert, un jeune sage frotté de philosophie et d’économie politique ; un Vauvenargues moins tendre « qui prétend que l’air exclusif de l’honneur et le régime dur et froid réunis peuvent refaire les poumons les plus gâtés même par nature ».

Les poumons du jeune homme résistent à cette