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MIRABEAU.

L’exilé ne prit par son exil au tragique. Il était établi commodément, à vingt lieues de Paris, dans une terre qu’il aimait, au milieu de ses paysans qu’il « exhaussait jusqu’à lui en leur touchant dans la main et en baisant au front leurs enfants ».

Le paysage était charmant : « un petit panier d’herbes, si drôlement mélangé d’arbres, de bocages, d’eaux et de culture, qu’on dirait que tous les oiseaux de la contrée s’y sont donné rendez-vous ». On croit voir un trumeau de Lancret ou de Boucher.

Dans cette aimable retraite, les lettres et les compliments lui arrivaient par ballots ; les visites par carrossées. Enfin, une jeune dame de ses amies avait consenti à partager sa disgrâce ; et cette agréable intimité, dont Mme de Mirabeau ne pressentait pas alors le danger, donnait à l’heureux marquis tout ce que l’attrait d’une liaison naissante pouvait ajouter aux jouissances de sa bruyante célébrité, et au parfait contentement qu’il avait de lui-même.

Jamais l’Ami des hommes n’avait jeté sur l’humanité un regard plus satisfait. Jamais sa bonne humeur ne s’était répandue en propos plus hardis et plus fantasques. Il lui plaît d’être martyr à si bon compte. Il ne veut être rappelé ni trop vite ni par grâce. Et comme le bon duc de Nivernais lui conseille de se ménager un appui auprès d’un ministre roturier : « Un appui à la cour ! s’écrie-t-il dans un accès de verve campagnarde. L’appui d’un honnête homme est en la Providence, dans sa propre force, et dans les hommes qui toujours se rallieront à l’honnêteté