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MIRABEAU.

Pendant le long règne de Louis XIV, les grands écrivains qui l’ont illustré avaient gardé, sur la politique et sur le gouvernement des États, une réserve, que leur conseillait la prudence, mais qui ne coûtait rien à leur sagesse. Telle n’était pas la pente de leur génie.

L’homme, bien plus que les hommes, avait occupé leur pensée. De grands ministres, des administrateurs habiles avaient mis la main aux affaires publiques. Les parlements, par leurs arrêtes, les assemblées provinciales, par leurs vœux, y avaient eu leur part, mal définie et sans cesse disputée. Mais les particuliers n’avaient, en ces matières, ni liberté d’examen, ni droit de remontrance.

Si quelques-uns s’en inquiétaient, si déjà, du temps de La Bruyère, « des citoyens obscurs s’instruisaient du dedans et du dehors d’un Royaume, étudiaient le gouvernement, savaient le fort et le faible d’un État », c’étaient des rêveurs solitaires que le public connaissait à peine. Et lorsque, vers la fin du règne, les Vauban, les Beauvilliers, les Fénelon se mêlèrent de critiquer discrètement les impôts, les finances et les abus « du royaume de Sésostris ou d’Idoménée », un blâme majestueux du grand Roi, un mot tombé de ses lèvres sur « les beaux esprits chimériques de son royaume » suffirent pour faire justice de ces puériles allégories et de ces curiosités téméraires.

Mais, le Roi mort, c’est en haut que la digue se rompit d’abord et que le torrent déborda. Les dés-