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CHAPITRE XI

Pour juger un homme politique, il ne faut pas se laisser étourdir par le bruit qu’il a fait pendant sa vie : il faut chercher ce qui reste de son œuvre après sa mort, et mesurer le vide qu’il laisse après lui dans le monde.

Lorsqu’on sut la vie de Mirabeau en danger, ce fut dans Paris une secousse violente, un terrible saisissement. Le Roi, le peuple, l’Assemblée, les serviteurs découragés de la monarchie, les amis inquiets de la liberté, les promoteurs ardents de la souveraineté populaire, — tous tremblaient de voir disparaître avec lui les espérances confuses que, tour à tour, à travers ses écarts et ses brusques caprices, son fertile génie leur avait fait entrevoir. Chacun pensait à ce qu’il pouvait attendre un jour de cette puissance équivoque ; personne, à ce qu’on en devait redouter. Amis ou ennemis, il semblait que cet homme nécessaire allait manquer à la fois à tout le monde.