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MIRABEAU.

accommode, avec son bras en écharpe et sa cravate d’argent, que pense-t-on qu’il ait pu faire ?… Il épousa une jeune femme. « C’était, a écrit son fils, un de ces hommes qui ont le ressort et l’appétit de l’impossible…. » Il le fit bien voir ; car, d’un mariage si hasardeux, ce géant en ruine engendra sept enfants, sans que personne se soit jamais avisé d’en rire.

On peut croire qu’un homme ainsi bâti n’était pas un courtisan fort habile. Une fois seulement, il se laissa conduire à Versailles par le duc de Vendôme qui voulait le faire nommer mestre de camp. La visite ne fut pas heureuse. Une réponse bourrue qu’il fit au Roi y mit brusquement un terme. « Je te présenterai désormais à l’ennemi, lui dit Vendôme, mais jamais à la cour. » Il n’y revint pas, et il fit bien. C’était un de ces héros d’avant-garde qui, dans des armées régulières et dans un royaume bien ordonné, gagnent des batailles et meurent colonels.

Très dur envers ses vassaux de Provence, il les défendait rudement, à son profit, contre les traitants, les sergents du fisc et les commis de la gabelle ; ne cédant rien aux gens du Roi, se moquant des procureurs et des huissiers, dont il a légué à sa descendance la haine orgueilleuse et le singulier mépris ; — familier par accès et à ses heures, jovial avec dignité, aimant à paraître ; et, quoique à demi ruiné, « s’essoufflant à donner à tout ce qui lui tient un air de magnificence » ; au demeurant, ayant mérité ce mot qu’a dit sur lui son petit-fils : « On lui rendit en respects ce qu’on lui devait en honneurs ».