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MIRABEAU.

le rôle principal, en s’effaçant maladroitement devant lui comme le comparse timide, comme le figurant ennuyé de cette féerie magnifique, le Roi laissait échapper la dernière occasion qui lui fût donnée de ressaisir sa popularité chancelante. « Monsieur Capet l’aîné », écrivait Camille Desmoulins dans son journal du lendemain.

Si Mirabeau a jamais eu des doutes sur les dangers dont la monarchie était menacée, ils étaient, dès cette époque, dissipés. « Je n’ai jamais cru à une grande Révolution sans effusion de sang, écrivait-il à Mauvillon le 4 août 1790, et je n’espère plus que la fermentation intérieure, combinée avec les mouvements du dehors, n’occasionne pas une guerre civile. Je ne sais même pas si cette terrible crise n’est pas un mal nécessaire…. Le ministère, aussi perfide que lâche, n’est pas capable de me pardonner, même pour son propre salut, les services que j’ai rendus à la nation. Le trône n’a ni conception, ni mouvement, ni volonté. Le peuple, ignorant et anarchisé, flotte au gré de tous les jongleurs politiques et de ses propres illusions. »

Ces illusions, que Mirabeau nie avoir jamais eues, il serait facile de prouver que, quoi qu’il en dise, il n’avait pas su toujours s’en défendre ; mais qu’importe ! À cette époque, du moins, ses lettres, ses entretiens confidentiels, les notes qu’il envoyait à la cour montrent bien qu’il voyait se dérouler devant lui, avec ses fautes et ses crimes, la Révolution dont il s’était d’abord cru le maître.