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MIRABEAU.

génie de Mirabeau ». Je n’ai rien trouvé, nulle part, qui justifie un pareil reproche ; la vie tout entière de cet honnête homme aurait dû suffire à l’en défendre.

Par le tour naturel de leurs entretiens, sans aucune arrière-pensée dont il dût rougir, Lamarck en vint à penser qu’entre son ami et son maître, le fond des idées ne différait guère ; que Louis XVI ne voulait pas plus reprendre le pouvoir absolu de ses ancêtres que Mirabeau ne souhaitait le renversement de la monarchie ; mais qu’à vrai dire, des malentendus et des maladresses empêchaient seuls un rapprochement nécessaire au salut du pays et du trône. Il résolut de le tenter.

Du coté de Mirabeau, il ne devait point rencontrer d’obstacles. À la veille comme au lendemain de l’ouverture des États généraux, dans toutes les occasions, par toutes les échappées, malgré ses violences de tribune et de théâtre, l’habile politique s’était offert et avait essayé de s’imposer au pouvoir. Sans embarras, presque sans mystère, avec cette assurance superbe qui n’était que la conscience ingénue de sa force, il avait sans cesse fait connaître à la cour que lui seul pouvait et devait sauver la monarchie. Ses relations orageuses avec M. de Calonne, sa brusque entrevue avec M. Necker, sa correspondance avec le comte de Montmorin avant les élections, son discours manqué le jour de l’ouverture des États, le mémoire secret qu’il avait fait remettre au Roi le 15 octobre 1789, n’étaient que des épisodes de cette campagne opiniâtre où, il faut sans cesse le redire,