Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
MIRABEAU.

N’est-ce pas lui qui, le 23 juin, avait donné le signal de la révolte et foulé aux pieds les ordres du Roi ?…

N’est-ce pas lui qui, peu de jours après, en face d’une sédition menaçante, avait forcé le prince à renvoyer les troupes appelées pour sa défense ?

Durant les sinistres journées d’octobre, ne trouvait-on pas sa main dans la main des factieux qui conspiraient la chute ou l’usurpation du trône ?

C’est ainsi que, du vivant même de Mirabeau, aux yeux des gens de cœur qui demeuraient fidèles aux souvenirs du passé, la Révolution, dans ses premiers excès, avait emprunté et comme revêtu l’image de cet homme. C’est ainsi qu’après sa mort, dans ce parti respectable, la terreur et la haine de Mirabeau sont restés comme une légende immuable, que n’ont pu détruire ni les leçons de la politique ni les révélations de l’histoire.

Chateaubriand raconte, dans ses Mémoires, que, tout jeune encore, il fut présenté au comte de Mirabeau, alors dans toute sa gloire. « Il me regarda, écrit-il cinquante ans après, avec ses yeux d’orgueil, de vice et de génie ; et, m’appliquant sa main sur l’épaule, il me dit : « Mes ennemis ne me pardonneront jamais ma supériorité…. » Je sens encore l’impression de cette main, comme si Satan m’eût touché de sa griffe de feu ! »

Satan ! c’était peut-être beaucoup dire ; et, avec M. de Chateaubriand, surtout quand il parle de lui--