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MIRABEAU.

nore de la voix, le feu du regard, l’autorité naturelle du geste, la puissance agitée de toute la personne. Voilà bien — sauf l’attrait particulier de la laideur — tous les dehors oratoires par lesquels ils se rapprochent l’un de l’autre. Dans la discussion, le début un peu lent, l’envolée un peu lourde ; mais une fois partis, le même élan rapide et sûr, la même largeur de vues ; la même hâte loyale d’aller droit au but ; un bon sens souverain, dédaigneux des arguties et des procédures ; une entente des affaires admirable, avec une ardeur d’imagination singulière ; puis, tout à coup, de profondes échappées de cœur et de larges éclairs qui vont jusqu’au bout de l’horizon. Entre ces deux grands « prodigueurs de vie », malgré tout ce qui les sépare, peut-être trouverait-on encore d’autres ressemblances….

Quoi qu’il en soit, chaque époque a ses orateurs, dont les succès passent vite, dont les triomphes durent peu ; et qui, une fois leurs lèvres closes, vivent plus par leur renommée que par leurs discours. Ce n’est pas sur des pages muettes et sur des écrits décolorés qu’on peut juger, à cent ans de distance, ces ouvriers d’un jour. Il faut en croire leurs contemporains, ceux qui ont pu les voir et les entendre, qui ont senti de près la secousse de leur parole et le contre-coup de leur éloquence. Ceux-là, sans que nous puissions nous y méprendre, ont donné à Mirabeau la première place. Elle ne lui sera jamais enlevée.