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MIRABEAU.

ment entendre. Elle est prête. C’est la voix de Mirabeau. Il n’a plus qu’à parler ce que d’autres ont pensé et ont écrit, ce qu’il a écrit et pensé lui-même.

Dans ce rôle nouveau, jamais homme ne fut moins surpris ni mieux servi par la Fortune. De toutes les idées, de toutes les passions de son temps, il n’en était pas une que, de près ou de loin, il n’eût essayée et qui ne lui fût, par ses dehors au moins, familière…. De tous les excès, de tous les abus d’un régime caduc, il n’en était pas un que, pour l’avoir commis ou subi, il ne connût mieux que personne. Il en était comme le monument vivant. Il en portait sur toutes ses surfaces l’empreinte et l’image.

Il semblait d’ailleurs que la nature l’eût construit pour se faire voir et se faire entendre ; tout en dehors, en relief et en saillie ; la voix forte, claire, et naturellement habile ; le geste prompt, les traits gros et heurtés, qui se reconnaissaient à distance.

Ce n’était plus, à cette époque, le « mâle monstrueux » dont avait parlé son père ; mais il lui restait, de sa laideur, ce qu’il fallait pour surprendre les regards et les retenir. Il lui restait, de ses passions, ce qui devait faire tout céder à son ambition, comme autrefois à ses désirs. Il était né ainsi, orateur de la tête aux pieds ; « un personnage toujours sûr les tréteaux », a écrit son père. À neuf ans, on s’en souvient, il brûlait les planches sur un théâtre d’écoliers, « comme s’il était le fils de l’ancien La Thorilière », et à dix-sept ans, il déclamait sans