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MIRABEAU.

Mais ces images grandioses et ces mots sonores, en passant sur la plèbe tumultueuse de la vieille Province romaine, y réveillaient les souvenirs confus de son antique origine, dont la tradition populaire et les légendes avitines avaient conservé vaguement la mémoire. Ils faisaient revivre dans ces têtes ardentes la vision soudaine des grands ancêtres d’Italie, dont tant de monuments encore debout dans les campagnes attestaient la puissance, et dont les filles d’Arles et de Beaucaire gardaient sur leurs traits l’inaltérable beauté. Dans la ville de Sextius, où l’on entrait par des arcs de triomphe, où le plus petit boutiquier du cours prenait des airs de citoyen romain, et où l’aubergiste de la Mule noire semblait un personnage consulaire, Gracchus était bien à sa place ; et ce peuple emphatique acclamait avec ivresse le tribun éloquent qui attestait contre la tyrannie les dieux vengeurs de la Liberté….

On sait par quelle chicane de procédure féodale cette noblesse respectable et bornée se débarrassa de Mirabeau, l’exclut sans retour de ses assemblées, et laissa les sénéchaussées d’Aix et de Marseille se disputer ce terrible élu. Ainsi finit, dans un délire de joie et de fureurs populaires, au milieu des illuminations, des feux d’artifice, des cavalcades, des aubades, des farandoles et des émeutes, la campagne triomphale qui, de cet aristocrate déclassé, faisait un tribun du peuple, le plus grand orateur de la révolution, et son plus sage politique.

Politique,… il l’était jusque dans les moelles ;