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MIRABEAU.

qui demain, d’ailleurs, vont se mêler, se dissoudre et se fondre dans l’immense creuset, il reprend ses anciens écrits, les resserre pour en augmenter la portée, les rajeunit et les ravive avec une infatigable dextérité.

Il s’agite pour qu’on le voie. Il écrit pour qu’on le discute. Il parle pour qu’on lui réponde. Quand les occasions se font attendre, il va les chercher. Quand les griefs lui manquent, il les invente. Un arrêt du Grand Conseil fixe la date de l’ouverture des États,… « c’est trop tard » ; et, pour le démontrer, il entreprend une correspondance retentissante avec le jésuite Cerutti qui lui donne obligeamment la réplique. Une ordonnance du Roi décide le doublement du Tiers,… soit ! mais le lendemain, à propos de je ne sais quelle mesure de finance, l’insatiable polémiste crie au scandale, et, sans plus s’occuper des ordonnances, ni des édits, ni des arrêts, ni du règlement libéral de Necker, qui assure au Tiers la prépondérance, il attaque avec plus de violence que jamais le ministre qui les a signés. Comme si personne, excepté lui, n’avait rien fait, et sans lui ne pouvait rien faire, il blâme, il presse, il commande, il tonne. Il enfonce à coups de canon des portes ouvertes. Son nom, redit par la cohue des importants, des nouvellistes et des politiques, court les cafés et les théâtres, emplit les journaux et les affiches, saute aux yeux, entre de vive force dans toutes les têtes, occupe tous les esprits, et, les accoutumant à cet homme nécessaire, les façonne à son