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MIRABEAU.

Law était mort depuis cinquante ans, et le système avait sombré dans une épouvantable débâcle ; mais l’agitation qu’il avait fait naître avait survécu à ce désastre ; de tant de ruines était sortie cette force inconnue qui devait un jour fonder le crédit public et la fortune mobilière de la France.

Chassés de leur pays par les discordes de leur petite république, des banquiers genevois avaient apporté à Paris les secrets et les ressources de leur opulente industrie. Clavière, Panchaud, Necker, avec eux bien d’autres encore, propageaient autour d’eux, avec le crédit de leur bonne renommée, l’exemple contagieux des gains rapides.

Bien des gens ne voyaient pas sans défiance cette bande d’émigrés laborieux et corrects, sentencieux et durs, qui, non contents de s’enrichir honnêtement dans un temps où la misère publique était à son comble et où les coffres du Roi étaient vides, se poussaient peu à peu, par d’adroites entremises, dans les grands emplois de la politique, et dirigeaient vers le gouvernement de l’État l’ardeur austère de leur ambition calviniste.

Il se fit contre eux, dans de certains esprits, un mouvement semblable à celui qui s’est fait naguère contre des financiers d’une autre Église et des publicains d’une autre foi. Peut-être était-ce, seulement, l’irritation que fait naître dans une société dépensière, envieuse et gênée le spectacle déplaisant du travail, du succès et de la richesse. « Ne pouvant y atteindre, vengeons-nous à en