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LE GRAND SILENCE BLANC

Aussitôt les bulls prennent la mer, faisant leurs plus beaux plongeons, ébauchant leurs plus savants ébats nautiques, beuglant, meuglant, ils virent, chavirent, reviennent à l’air, crachant l’eau en soufflant, ils font pour elles mille grâces et mille tours.

C’est un bruyant cortège nuptial qui se dirige vers la grève où se choisissent les épouses.

Quelques-uns, très gourmands, se constituent un harem. On a vu certains bulls s’offrir jusqu’à quinze femelles.

Mais avec le mariage adieu la tranquillité. Monsieur Phoque est jaloux, rageur, soupçonneux ; il veille sur sa propriété avec une telle attention qu’il ne quitte plus sa « rookerie ». Deux, trois mois, tant que durera la belle saison, le vieux mâle ne quittera plus son poste, s’abstenant de courir la mer, oubliant de manger. Si bien que venu en juin gros et gras, il part à l’automne réduit à sa plus simple expression, ayant perdu, parfois, jusqu’à quatre cents livres.

Malheur au « célibataire » qui rôde autour du harem. Il lui en coûte sinon la vie, du moins une belle raclée, et le jeune présomptueux revient clopin-clopant à l’emplacement qui lui est réservé.

N’ayant pas su vaincre, les faibles, les moins bien armés pour la lutte, sont réduits au célibat. Ils sont refoulés par leurs congénères, loin dans l’intérieur des terres, en des endroits mal abrités