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LE GRAND SILENCE BLANC

mais il m’arrêta d’un geste brusque de la main.

— C’est moi qui vous remercie, vous êtes un homme très occupé et je vous dérange. Je sais, je sais. Je vous prendrai aussi peu de minutes.

La littérature, qu’elle soit de France, d’Angleterre ou d’un autre pays, se vend pareillement à la moutarde, au cirage ou aux harengs du capitaine Cook. On met des affiches, on roule le tambour, et l’on crie, la main en porte-voix : « Holà ! vous qui passez, lisez le roman de Monsieur Chose. Monsieur Chose est un homme célèbre. Sa dernière production atteint cent éditions de mille exemplaires. »

Selon le public, on dit encore : « Le roman de Monsieur Chose est le meilleur des romans, les vieilles filles, les curés de campagne, les membres de la Y. M. C. A. peuvent le lire », ou bien : « Ce roman-ci, les vieilles filles, les curés de campagne, les membres de la Y. M. C. A. ne peuvent pas le lire. »

Dans les deux cas on achète, les uns pour avoir une littérature « saine, morale, ad usum pucellarum », les autres parce qu’ils s’attendent à trouver des situations graveleuses et des descriptions croustillantes.

Vous me pardonnerez, Mon Sieur, les ancêtres, je veux dire ceux qui sont arrivés, ont loué tous les panneaux-réclames, tous les emplacements en vue ; les jeunes ont le bas de la muraille que les autobus éclaboussent de crotte et que com-