Page:Rouquette - Le Grand Silence Blanc, 1920.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
LE GRAND SILENCE BLANC

appartenir jadis à quelque miss errante, une lanière en cuir de bison lui ceinture la taille. Ses mocassins, en peau de phoque, bordés de woolverine, laissent traîner leurs attaches. Ses mains et ses bras sont emprisonnés dans des mouffles de cuir fourrées, serrées à la hauteur du coude. On dirait mains et bras de marionnettes.

Il serait très couleur locale, mon ami Lynn, n’était l’affreux chapeau melon, qu’il arbore fièrement en guise de couvre-chef. Ce chapeau melon est pour Lynn le signe suprême de la civilisation.

Il est une autre concession que l’Indien fait à notre monde. Il a pris l’affreuse habitude de mâcher de la gomme.

Ayant mastiqué plus fortement et logé sa boule comme une chique dans sa joue gauche, Lynn me salue à la manière koyukuk, s’informe de ma santé et m’annonce qu’on vient de ramasser en plein Dawson, près du pont de la Klondyke river, à l’endroit même où se termine Frontstreet, le cadavre d’un homme.

Avec ce saut brusque du thermomètre, la chose n’est point étonnante. Quelque ivrogne qui aura quitté tard le Bank, l’Exchange ou le Green Tree et que la congestion aura fauché.

Lynn secoue la tête en écoutant ma supposition. Il rumine sa gomme, puis il ajoute dans son anglais un peu rauque :

— Non, non. L’homme est un sergent de la