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LE GRAND SILENCE BLANC

leur vie, il avait répondu avec douceur que deux détresses ne pouvaient pas faire un bonheur.

La fille n’avait pas insisté. Il lui savait gré pourtant d’avoir songé à lui et lorsqu’il avait touché quelque pourboire, il lui achetait une babiole ou un colifichet, un collier de verroterie ou un fichu de laine.

Un soir de querelle entre mauvais drôles, Rose fut tuée d’une balle qui ne lui était pas destinée. On emporta la fille ; un peu de sciure de bois, un coup de balai, les tables mises en ordre. Sandrino continua à faire danser les clients dont les bottes martelaient le parquet où le sang faisait une tache brune.

Pendant le repos, l’Italien sortit. Une quinte le prit et le flot rouge emplit sa bouche.

C’est moi qui le trouvai, en sortant, gisant à terre et râlant… Il n’en mourut pas. Mais il lui était désormais impossible de reprendre sa place. Quelques camarades et moi, à qui « la paye » avait été généreuse, nous lui fîmes tenir cent dollars afin qu’il pût se rapatrier.

Il partit.

Mais la Terre du Nord est une amante qu’on ne peut oublier ; deux mois après, Sandrino était de retour. Il était allé jusqu’à Vancouver, et au moment de s’embarquer pour son pays, il avait tourné le dos au clair soleil du Pacifique. Le premier cargo le ramenait à la terre des Brumes.

Ned Douglas l’accueillit avec joie. Il reprit sa