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LE GRAND SILENCE BLANC

Latulipe, un Canadien français de la paroisse de Québec, grasseyait :

 Auprès de ma blonde,
Qu’il fait bon, fait bon, fait bon,
Auprès de ma blonde,
Qu’il fait bon dormir.

Et Sandrino, sans jamais se lasser, accompagnait ces rondes populaires ou ces refrains saugrenus ; ses mains délicates, d’une maigreur monacale, ses mains couleur de l’ivoire, semblaient des oiseaux farouches qui voletaient sur le clavier…

Comment était-il venu s’échouer là, après quelles infortunes, après quels avatars, ce fils de la terre ensoleillée s’était-il perdu sur la terre polaire ? Nul ne l’a su. Sandrino a gardé un secret que personne n’a songé, du reste, à lui demander.

Les dancing-girls trouvaient à leur gré sa délicatesse devant la brutalité coutumière des autres garçons. Il était toute politesse, son anglais zézayant plaisait, surtout sa figure classique d’archange pour mauvais lieux.

Mais Sandrino avait l’air désabusé des choses amoureuses ; il devait porter au cœur une de ces blessures, sans cesse rouverte, dont on ne revient pas…

Rose, une blonde Luxembourgeoise, qui se disait Française pour plaire aux hommes, l’amusait cependant. Elle lui avait proposé de joindre