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LE GRAND SILENCE BLANC

Je regagne quelques dollars que j’ai la chance de doubler au poker et je reprends mon bâton de voyageur, ce qui est une façon de parler lorsqu’on saute de cargo sur steamer et de steamer sur paquebot.

Il est plus facile d’entrer dans Graham Island que d’en sortir. Les Abraham-Lincoln n’assurent, sur la côte, qu’un service postal très approximatif, mais j’ai la chance de franchir l’Hecatestrait avec des compagnons qui vont à Port-Essington, dans la British Columbia, afin de renouveler leur provision de whisky, opération de la plus réelle importance.

« Bonne chance, camarade », et me voilà seul sur le pier en bois de Port-Essington, cependant que, courbés sur leurs rames, mes amis gagnent la haute mer.

Je prends une décision : le premier bateau, cargo à vapeur ou à voile, qui passera dans un sens ou dans l’autre, j’embarque.

Dix-sept jours après, la Princess-Sophia, de la British Columbia Coast Service, jette l’ancre de l’autre côté de Port-Essington, sur la rive droite de la Skeena, à Prince-Rupert.

La destinée me pousse au Nord. En route donc pour la terre du silence, terre du mystère, terre de la neige et de l’or : n’est-ce pas la pay-dirt, la terre qui paye ? Qui paye quoi ? La volonté ? La résistance ? Qui paye comment ? Avec l’or arraché aux roches dures ? Avec la rigide beauté