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LE GRAND SILENCE BLANC

marchant et produit le bruit sec que les loups connaissent si bien. Si les cloq, cloq, cloq sont répétés, c’est que le troupeau est nombreux, les loups alors s’abstiennent. Sinon, la chasse commence. Les cariboos fuient, les femelles et les enfants au milieu, les mâles gardant les flancs et l’arrière. C’est dans la plaine blanche une fuite éperdue… Les loups suivent, les mâchoires claquantes. Désespérés, les mâles font tête… C’est une lutte épique, les loups attaquent en demi-cercle ; l’orignal se défend non avec ses bois, mais avec son genou et ses pattes. Malheur au loup imprudent, il roule la tête cassée sur la neige ; mais, le plus souvent, les loups se précipitent tous ensemble sur leur proie : le cariboo plie les jarrets et tombe. Il est perdu. Mais sa mort paye la vie des autres qui fuient, cependant que les loups se précipitent à la chaude curée…

Cette nuit, on n’entendra pas le bramement de détresse, ce long cri pitoyable qui de la plaine monte jusqu’à la forêt et fait frissonner les bêtes apeurées. Les cariboos sont en nombre, ils passent avec leur galop martelé et, sur la piste opposée, les loups poursuivent leur insaisissable destin.