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LE GRAND SILENCE BLANC



Ce silence est descendu du Nord mystérieux. J’ai la paix du cœur, la paix des sens, la paix du cerveau.

Seule la Bête vit en moi et, ce soir, la Bête est heureuse de sa solitude dans le cœur immense de la forêt septentrionale.

Rien ne vibre. Rien ne vit que Moi. Quelle erreur ! La vie poursuit sa marche invisible. Tout vibre. Tout tressaille autour de moi.

Les mille bruits de la forêt, je les perçois : le craquement du bois sec qui se détache et tombe, le frôlement des branches, les millions d’aiguilles de pins s’entremêlent, des cônes tombent avec un bruit mou.

Comme dans la vision fantastique de Shakespeare, la forêt s’agite, elle se meut, elle marche, elle vient, son ombre immense s’étend oblique sur la terre blanche… les racines fouillent le sol pour y chercher les couches primitives, la sève monte généreuse dans l’âme des arbres et les arbres grandissent, grandissent pour atteindre les nues.

Et la chanson du vent est passée dans les branches, c’est une chanson vieille comme le vieux