Page:Rouquette - Le Grand Silence Blanc, 1920.djvu/187

Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
LE GRAND SILENCE BLANC

— Voyons, old fellow, je plaisante. Racontez-la, votre histoire.

— Vous n’en saurez pas un traître mot.

Je souris, j’enfile mon aiguille avec attention ; à peine l’opération terminée, il commence :

— Je vous la dirai tout de même, car elle peut vous servir d’exemple.

Jack Nichols, je l’ai vu débarquer au camp de Cariboo. Il me plaisait, ce garçon à lunettes. Il était timide comme une demoiselle et doux comme un mouton. Le voyant, je m’étais dit : « En voilà un qui ne fera pas long feu ici, si personne ne le garde. »

J’avais la maladie à cette époque d’être philanthrope, une maladie qui m’a passé heureusement !

J’adopte mon garçon. Je le prends sous mon aile (ce qui est une façon de parler), et le présente aux camarades ; je le conduis moi-même devant l’ingénieur du Gouvernement et je lui fais acheter une bonne place, vous pouvez m’en croire.

Le malheureux ne savait rien de rien. Mais il avait de la bonne volonté.

Je lui appris, tout d’abord, à reconnaître un terrain aurifère. Ça n’était pas facile. Il se perdait dans mes explications, Dieu m’a doué d’une belle patience…

Je souris à nouveau.

L’homme patient se fâche.