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LE GRAND SILENCE BLANC

Gregory Land, le postier, l’intrépide coureur des bois, est mon hôte depuis déjà trois semaines. Une chance qu’il a eue de se casser la jambe, non de se casser la jambe, je m’exprime mal, mais de la casser à un mille de ma cabane. Un mauvais virage pris par ses chiens.

Et, depuis trois semaines, je fais le rebouteux et le garde-malade. Dire que c’est une double sinécure serait mentir, car Gregory est bien le patient le plus impatient qui soit.

Ne parlait-il pas, dès le lendemain, de repartir ! Heureusement qu’une bonne fièvre est intervenue à temps, qui l’a calmé pour quelques jours.

Depuis, il est beaucoup mieux et passe son temps à boire mon whisky : c’est souverain, prétend-il, pour les cassures, à chiquer mon tabac et à le fumer lorsqu’il est las de le mâcher.

Parfois aussi, il me conte des histoires. Le plus souvent, il fait les trois choses à la fois. Ainsi présentement, la bouteille de whisky est à portée de sa main, il mastique sa chique et commence :

— En ce temps-là…

Ce sont non des histoires, mais l’histoire de ces temps héroïques où l’homme était seul, ici, à se battre contre les éléments.

Le froid terrible, la faim, la soif, la fatigue, le surmenage, le combat de tous les instants pour mater la nature et essayer de lui ravir sa proie.

Pour les exploits de deux villes rivales grandes