Page:Rouquette - Le Grand Silence Blanc, 1920.djvu/152

Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
LE GRAND SILENCE BLANC

la sensation d’avoir des aiguilles piquées dans le crâne… Tiens, j’ai oublié ma toque de loutre. Que m’importe !… La pointe de l’île Saint-Louis est là, toute proche, un effort encore et je l’atteindrai…

Mush, mush on, boys…

J’use du fouet. Les chiens, inaccoutumés, essayent de se mordre les uns les autres. Je suis debout dans le traîneau, hurlant des choses insensées ; les bêtes affolées tirent sur les harnais, en hurlant.

L’île Saint-Louis est là. Enfin j’aperçois ses lumières.

Un trait s’est rompu. Les chiens roulent, le traîneau verse… Je me relève, je me tâte machinalement, rien de cassé, tout va bien…

Soudain, une voix goguenarde prononce à mes côtés :

— Vous menez comme un fou, garçon : à ce train-là, je ne vous donne pas trois milles avant d’avoir claqué vos bêtes…

Dans la nuit, des inconnus approuvent.

Alors moi, qui passe pour le plus sage, le plus calme, le plus raisonné des mineurs du Yukon, je vais droit à celui qui a parlé et, avant qu’il soit revenu de la surprise, je lui envoie un crochet à la mâchoire qui l’étend dans la neige boueuse qui couvre la Troisième Avenue.

Je me suis attaqué à Boby, celui qu’on appelle Boby le rouge, non parce qu’il est un méchant