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LE GRAND SILENCE BLANC

Ce n’est pas Toi, cette tache laiteuse qui roule dans le ciel blafard, c’est ta contrefaçon… un esprit malin a ravi ta couronne de gloire, ou bien c’est toi qui, pour ne pas voir ces terres désolées, as replié le double éventail de tes rayons.

Grand Roi, on t’a pris ta chevelure lumineuse et tu montes, chauve, au zénith de mes jours.

Oui, rappelle-moi que tu existes, resplendissant, là-bas, tout là-bas, et que tes flèches dansent sur la mer latine… Les criques au creux des rochers rougeâtres… les golfes pleins d’ombres bleues, et la maison toute blanche sous sa calotte de tuiles rouges avec, montant la garde, les platanes feuillus et le fuseau vert sombre des cyprès immobiles. De ma chambre d’enfant, on aperçoit la mer qui étincelle comme une épée nue ; sous l’ardent soleil, les barques mettent une tache brune et la tache vive des voiles triangulaires.

Petite chambre, d’où mes rêves puérils sont partis, où mon sommeil a été bercé au rythme des vagues, où j’ai tremblé de peur, dans la crainte des vents qui passaient en rafales, courbant les hautes cimes et livrant bataille à la mer jusqu’à ce que la mer se soulève furieuse et démente.

Mais le soleil revient chauffant la garrigue pierreuse, tordant les ceps, lourds de grappes, et sur la route blanche des filles saines passent en chantant.

La page tourne, l’ardeur s’atténue, c’est un