Page:Rouquette - Le Grand Silence Blanc, 1920.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
LE GRAND SILENCE BLANC

C’est ce sang sur mes mains qui m’a troublé ! Pourquoi ? Je ne suis pas Macbeth et n’ai point les remords qui déchirent son âme. Ils ne peuvent rien contre moi, les fantômes dressés, mes mains sont pures de toute souillure, mes pauvres mains blanches d’autrefois, maintenant crevassées et rugueuses, habituées à se servir elles-mêmes…

Quelle folie ! Allons, Freddy, mon vieux camarade, tu t’es promis un balthazar… Qu’attends-tu ? Les viandes sont prêtes, le vin est tiré…

Je veux me mettre en gaîté, le bouchon saute, le vin blond fait une mousse blanche.

Ah ! ça va mieux ! Par tous les diables, vive la vie ! et je chante :


Nargue la tristesse
Et l’ivresse
Chasse pour aujourd’hui
Les ennuis…


D’un trait, je vide mon verre, je vous dis que cela va beaucoup mieux. À nous deux… et je plante mon couteau dans la chair savoureuse…

Je suis un maître-coq fameux, je me décerne, sans modestie, des compliments que mon orgueil accepte.

Dommage d’être tout seul !

Hein ! Quoi ? Qui a parlé ? Je me dresse, le couteau à la main… J’ouvre la porte : personne, je suis fou… ce soir… qu’est-ce que j’ai donc ?…

Je me rassieds, ou plutôt je retombe accablé