tait le dessein qu’elle avait pris de faire un monastère, et d’y assembler nombre de Religieuses, et de ne se réserver rien de l’argent qu’elle avait reçu de la vente de tous ses biens, pour s’en servir pour une si bonne œuvre. Ils ne comprenaient pas ce que la Sainte voulait uniquement, c’est que ses maisons eussent pour unique fondement, pour toutes fondations et revenus, la pure providence.
« C’est pourquoi Saint-Pierre d’Alcantara écrivait à Sainte-Thérèse, qu’en fait de pauvreté et de parfait dénuement des choses extérieures, il fallait consulter ceux qui étaient dans la pratique de ces vertus ; car pour les autres, quoique éclairés et vertueux, ils étaient d’ailleurs peu propres à donner avis en cette matière. » (L’Adoration perpétuelle de la divine Providence. H. Boudon, p. 142 et suiv.)
C’est à cause de leur abandon à la divine providence, de cette confiance entière en Celui qui fait croître l’herbe des champs et qui revêt les fleurs de robes éclatantes, c’est parce que les heureux contemplatifs vivent au Jour le jour, sans préoccupations et sans inquiétude, qu’ils sont appelés les Oiseaux du ciel.
Quant aux difficultés et aux oppositions que l’on devra rencontrer, on ne doit ni s’en étonner, ni s’en inquiéter : c’est le sort de toutes les œuvres saintes, et surtout de celles qui doivent exercer une grande influence et laisser une trace profonde et ineffaçable dans le cœur de l’humanité.
Ce que nous voyons de plus grand a rarement eu de grands commencements ; le grain de sénevé n’est pas tout-à-coup devenu un grand arbre, où les oiseaux puissent s’abriter et bâtir leurs nids. Rarement la nature et la grâce franchissent les abymes ou brisent les anneaux intermédiaires ; l’année a son printemps avant son été, le jour a son aurore avant le lever du soleil ; tout procède avec gradation, de progrès eu progrès, allant du moins parfait au plus parfait, jusqu’à l’achèvement, où se trouve le repos dans l’unité.
Il faut donc savoir attendre : l’impatience, la précipitation est la grande faiblesse de notre siècle ; une sorte de fièvre l’agite ; il semble qu’aujourd’hui on veuille tout faire mûrir en serre-chaude ; et que l’on regarde comme irréalisable tout ce qui n’est pas réalisé à l’instant même.
Écoutons quelques hommes de Dieu, et ils étaient aussi, ceux-là, des hommes d’expérience et d’action :
« l° Je me moque de tous les desseins, si beaux et si saints qu’ils soient, s’ils n’ont passé par les difficultés et persécutions.
« 2° Quand tout le monde se bande contre vous en quelque affaire, allez hardiment, c’est là où il fait bon.
« 3° Ce mot (difficulté) dans les affaires de Dieu, est un mot infernal.
« 4° Il ne faut espérer de bon succès dans les affaires de Dieu qu’autant qu’elles ont reçu de traverses et de contradictions.
« 5° Vous avez un grand repos d’esprit quand vous vous employez à une affaire qui est bonne, qui est à faire, et qui demeurera à faire, si vous ne la faites. »
(Les Sentences Cléricales, par Adrien Bourdoise, prêtre de la communauté de Saint-Nicolas du Chardonnet.)
« Ô mon Dieu ! que vos voies sont éloignées des voies des hommes ! Ô sagesse, ô prudence humaine, que deviens-tu ici ? Mais enfin l’esprit de mon Dieu est toujours le même ; tous ses plus grands desseins ne s’établissent que par les plus grandes croix. N’attendez jamais de grands coups de grâce où vous ne remarquerez pas des oppositions extraordinaires. Les desseins où tout le monde appaludit, qui ne donnent que de l’honneur et de l’approbation à ceux qui les entreprennent, ne marquent pas de grands effets divins. Assurez-vous que l’enfer ne s’oubliera pas, s’il redoute puissamment quelque chose ; croyez que le monde sera toujours le monde, opposé à ceux qui lui en veulent véritablement, ne se souciant que de Dieu seul. » (Les Saintes Voies de la Croix, par Boudon, Liv. IV, ch. VIII.)