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tendu ; puis, il se fait dans son âme un mouvement plus impétueux que s’il s’agissait pour tout autre de se venger d’un outrage. « Demandez-lui s’il connaît l’indépendance à celui qui tient la nature sous ses pieds ! Mais surtout demandez-lui s’il connaît le bonheur, à celui dont le sein déborde d’un amour intact ! Les émotions sillonnent son âme, son sang circule avec mille vies ; et ses organes, sans cesse abreuvés, éprouvent plus de délire à la fois à chaque battement de son cœur, que le lâche n’en a jamais perdu dans toutes ses voluptés. Où est-il celui qui cherche des émotions brûlantes, qu’il vienne ; il ne sait rien, s’il ne connaît les flammes dont perce la chasteté. Homme qui poursuis quelque passion qui puisse étancher ton désir, combien tu te trompes en t’éloignant de la virginité !  ! La virginité est la plus ardente des émotions. La virginité, c’est la vie élevée à sa plus haute puissance ; et sa passion, à elle, c’est l’amour du sacrifice : elle ne se laisse séduire que par la charité.

« Ah ! si vous saviez ce que c’est que la chasteté, comme vous quitteriez toutes ces pauvres passions que vous croyez si fécondes en douceur ! Car, il faut bien le dire, s’il vous était possible de découvrir une passion qui vous promît de plus grandes voluptés que les vôtres, c’est à elle que vous vous adresseriez. Eh ! bien, il en est une qui ne vieillit jamais ; avec l’âge elle ne fait que prendre le temps d’embraser jusqu’aux extrémités de notre être ; puis, lorsque nous prions, ou que nous pensons à Dieu, elle frappe notre âme d’un tel torrent de feu, qu’il lui semble qu’elle va éclore à la vie éternelle. Vraiment, mon Dieu, il y a des moments où l’on ne peut penser à vous sans mourir de délices ! et quelquefois par prudence, il faut nous refuser de vous aimer autant que notre cœur le voudrait, de peur d’y succomber. Je vois bien que nous n’avons pas été faits pour posséder le bonheur dans ce monde ; car, lorsque vous nous envoyez votre joie un peu trop pure, nous sommes obligés de vous demander grâce. Cependant, celui à qui vous avez fait sentir combien vous êtes doux à aimer, ne veut plus que vous aimer ; il tombe dans une sorte de folie, il perd le sens de tous les autres biens, il ne veut que vous, et rien que vous, et il vous conjure de lui retenir une partie de ces joies spirituelles, dans la crainte qu’il vienne à penser que ce soit pour elles qu’il vous aime. »

Après Blanc Saint-Bonnet, écoutons Jacques Balmès sur cette angélique vertu :

« Le catholicisme couronne d’une brillante auréole l’abstinence complète des plaisirs sensuels, la virginité. Les esprits frivoles, principalement ceux qui reçoivent les inspirations d’un cœur voluptueux, ne comprendront certainement pas jusqu’à quel point le catholicisme a contribué par là à relever la femme ; mais il n’en sera pas de même des esprits solides, capables de reconnaître que tout ce qui tend à élever au plus haut degré de délicatesse le sentiment de la pudeur, tout ce qui fortifie la moralité, tout ce qui contribue à faire d’un nombre considérable d’hommes, un modèle de la plus héroïque vertu, a également pour résultat de placer la femme au-dessus de l’atmosphère des passions grossières. La femme cesse dès lors de se présenter aux yeux de l’homme comme un simple instrument de plaisir ; elle ne perd, elle ne voit diminuer aucun des attraits dont l’a pourvue la nature, et elle n’a plus à craindre de devenir, de triste victime du libertinage, un objet de mépris et de dégoût. L’Église catholique avait connu profondément ces vérités ; aussi, tandis qu’elle veillait sur la sainteté des rapports conjugaux, tandis qu’elle créait au sein de la famille l’admirable dignité de la matrone, elle couvrait d’un voile mystérieux le visage de la vierge chrétienne ; et les épouses du Seigneur étaient gardées par elle comme un dépôt dans les ombres du sanctuaire. Il était réservé à Luther, au grossier profanateur de Catherine de Bore, de méconnaître aussi sur ce point la profonde et délicate sagesse de la religion catholique. Après que le moine apostat eût mis en pièces l’auguste sceau dont la religion marquait le lit nuptial, sa main impudique venait déchirer le voile sacré des vierges consacrées au Seigneur ; il était digne de ses dures entrailles d’exciter la cupidité des princes, de les faire se précipiter sur les biens de ces vierges privées de tout appui, pour les expulser de leurs demeures. Voyez le perturbateur attiser partout le feu de la sensualité, briser toutes les barrières. — Que deviendront les vierges consacrées du sceau du sanctuaire ? Semblables à de timides volées de colombes, ne tomberont-elles pas dans les pièges du libertinage ? Eh quoi ! Est-ce ainsi qu’on augmentait le respect dû au beau sexe ? Est-ce ainsi qu’on perfectionnait le sen-