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de la béatitude éternelle, puisqu’il voit Dieu, puisqu’il le possède et jouit de lui avec une sainte familiarité ; vous le savez ; — car vous l’avez appris dans l’extase de l’amour !

Nous avons dit que l’Antiquité païenne, malgré ses fables et ses erreurs, avait compris, admiré, et honoré d’un culte spécial la virginité et la chasteté ; nous rapporterons quelques faits à l’appui de cette assertion.

Les poètes et les philosophes du paganisme n’ont pu s’affranchir tout-à-fait de cet impérissable instinct de pudeur qui nous est naturel, et ils ont été les défenseurs constants et les chantres sublimes de la chasteté et de la virginité. Dans le 1er livre des métamorphoses d’Ovide, Daphné demande à son père la liberté de demeurer vierge aussi, puisque Jupiter avait accordé cette même grâce à Diane. Elle obtint sa demande, et se voyant vivement poursuivie, elle obtint encore de perdre la beauté, qui était un si grand obstacle à l’accomplissement de son vœu. La garde de la virginité était une excellente manière d’honorer la chaste Diane,


The silver-shafted queen, for ever chaste ;


(Milton.)

et elle vengeait très sévèrement tout acte contraire à cette vertu.

Pallas, à qui les poètes donnent le nom et la majesté de la Sagesse, est vierge aussi. Les sacrifices et les fêtes de Cérès se célébraient avec une solennité extraordinaire ; et pour y assister, toutes les femmes étaient obligées à neuf jours de continence.

Callisto et Attis payèrent la peine de leur faute, ni Diane ni Cybèle n’ayant pu souffrir qu’on eût violé la virginité qui leur était promise. C’est pour garder le temple de Cybèle que la chasteté avait été prescrite à Attis.

Les principales purifications se prenaient de la déesse Vesta, qui était vierge et qui était servie par les vierges Vestales.

Le temple de celle que l’on appelait à Rome la Bonne Déesse était inaccessible aux hommes, et ce fut une vierge qui en fit la dédicace. Les Vestales étaient obligées de garder une inviolable virginité, parce que Vesta, fille d’Ops, était demeurée vierge ; ou plutôt, parce que c’était le Feu Éternel que l’on appelait du nom de Vesta, et que pour garder et entretenir ce feu il fallait des ministres très-purs, des vierges.

Il est évident, d’après ces exemples, que la chasteté et la virginité étaient en vénération parmi les idolâtres, qu’elles avaient une liaison étroite avec le sacerdoce, surtout avec celui de Vesta, ou du Feu Éternel, qui était le symbole le plus parfait de la divinité véritable. Cet usage pouvait venir de la lumière naturelle de la raison, qui faisait connaître aux payens mêmes, que la pureté du corps et le dégagement du mariage et de tous ses embarras étaient des dispositions très convenables au sacerdoce, et très agréables à Dieu ; — ou plutôt de la Providence divine, qui voulait semer dans le paganisme même des connaissances et des commencements de vertu qui disposassent insensiblement les esprits à recevoir la pureté de la doctrine évangélique.

Lucien, dans les dialogues des dieux, fait avouer à Cupidon, que ses traits n’ont aucun pouvoir sur Minerve, parce qu’elle est toujours fière et armée ; ni sur les Muses, parce qu’elles sont toujours occupées de l’idéal ; ni sur Diane, parce qu’elle est dominée par l’amour de la chasse, des bois et de la