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et exalté par la surabondance de vie qui abreuve son cœur et circule dans ses veines ; il sent brûler en lui-même le feu sacré de l’amour divin ; son cœur généreux ne s’éveille et ne bat que pour les grandes choses ; il est fait pour la lutte et la victoire ; il a l’attitude et la démarche d’un homme habitué à vaincre les autres, parce qu’il est habitué à se vaincre lui-même : — Et lui aussi, il est roi ! Ah ! ne prononcez jamais le nom d’un homme chaste, sans penser à un ange, sans penser à Dieu !

Mais c’est le prêtre surtout, le prêtre de la loi nouvelle, de la loi de perfection évangélique, c’est le prêtre qui est chaste ! Il touche chaque jour les vases sacrés, il monte à l’autel, il tient dans ses mains le Roi des vierges, il le reçoit dans son sein, il s’unit à lui, il se transforme en lui : — Ah ! c’est le prêtre surtout qui est chaste, et divinement chaste !

Ô chasteté, austère et ravissante vertu, tu es le sel mystique, la myrrhe odoriférante, tu es le baume précieux, de suave et céleste odeur, le baume de vertu divine, qui communique l’incorruptibilité au corps ! Tu es la robe éclatante de fin lin, sans tache et sans couture ; tu es le manteau royal et magnifique, aux franges d’or ; tu es le vêtement de lumière et de gloire dont l’âme triomphante enveloppe et pare le corps, spiritualisé par elle, et comme elle devenu incorruptible !

La raison, l’Écriture Sainte, la tradition, l’Église, l’histoire universelle, tout nous dit, ô chasteté, que tu as toujours été regardée par les hommes comme une vertu divine : partout et toujours on t’a confié le sacerdoce, accordé le don de prophétie, et réservé la science des choses cachées ; partout et toujours, on a cru que tu avais une communication plus intime avec la divinité, et un plus grand pouvoir pour l’implorer et la fléchir. Autrefois, les sacrificateurs, les prêtresses, les sybilles, les vestales étaient vierges ou chastes. Mais, quels que soient l’excellence, les privilèges et le pouvoir que le paganisme ait reconnus et admirés en toi, ô chasteté, ce n’est que dans le Christianisme que tu as atteint toute ta perfection, et que tu es devenue une vertu surnaturelle, angélique, divine. — C’est que la chasteté du chrétien n’est pas une vertu de tempérament ou de philosophie, une vertu de raison ou de nécessité, qui consiste à s’abstenir des plaisirs de la chair, parce qu’ils blessent la pudeur, parce qu’ils empêchent l’esprit de se livrer avec liberté à la contemplation tranquille de la vérité ; non, le chrétien, qui est chaste, est animé de motifs plus élevés ; s’il est chaste, c’est pour plaire à Dieu ; c’est pour se rapprocher de lui, s’unir à lui plus intimement ; oui, c’est par amour, et par excès d’amour, qu’il fait le sacrifice de sa chair et de son cœur, et qu’il est saint de corps et d’esprit.

Aussi, dès ce monde, Dieu récompense au centuple ce sacrifice héroïque de l’homme ; dès ce monde, il l’enivre de joie et de paix ; il lui dit tous ses secrets ; il lui parle cœur à cœur, dans la solitude. Ô Saint-Jean, Sainte-Catherine de Sienne, Sainte-Thérèse, vous l’avez éprouvé ; vous savez quel fleuve de lumière et de voluptés célestes inonde un cœur vierge et consacré ; un cœur qui ne s’est ravi à toutes les créatures, que pour se donner tout entier au seul créateur ! Vous savez que ce cœur est vraiment un ciel sur la terre, puisque Dieu y habite, puisqu’il y repose avec délice ; que ce cœur a un avant-goût