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ment, mais qu’il a été dans les angoisses de l’esprit, jusque là même que quelquefois la vie lui était à charge ; et cela, non seulement par le désir qu’il avait de voir Jésus-Christ, mais encore par la grandeur de ses peines, qui lui faisait dire, qu’il était ennuyé de vivre. Donc il est manifeste que cette joie continuelle dont il parle, ne peut s’entendre de la joie sensible, qui n’est pas toujours permanente en ce monde-ci. Il parle donc d’une joie qui réside en la cime de l’âme, qui vient d’une abondance de paix que donne la parfaite conformité avec la volonté divine ; car l’âme ne voulant que ce que Dieu veut est toujours contente en tout ce qui lui arrive. Or, cette paix ou cette joie est si souvent cachée que non seulement les sens n’y ont aucune part, mais encore la partie raisonnable inférieure, (Marie Boudon, Les Saintes Voies de la Croix, ch. V. Liv. 1. p. 42.) »

Ce langage peut paraître étrange et obscur à ceux qui ont l’esprit et la joie du monde ; mais il est clair et compréhensible pour ceux qui ont l’esprit de l’Évangile, et à qui Jésus-Christ a dit : vous pleurerez et vous gémirez, et le monde sera dans la joie. Ainsi le chemin du ciel, c’est le chemin de la croix ; et la terre est une vallée de larmes.

The way to heaven is through a sea of tears.

(Quarles.)


The path of sorrow, and that path alone,
Leads to the land, where sorrows are unknown ;
No traveller ever reach’d that blest abode,
Who found not thorns and briars in his road.


(Cowper.)


So many great,
Illustrious spirits have convers’d with woe,
Have in her school been taught, as are enough
To consecrate distress.


(Thomson.)


Dearly bought the hidden treasure
Finer feelings can bestow :
Chords that vibrate sweetest pleasure,
Thrill the deepest notes of woe.


(Burns.)


Notre âme, ici-bas, est comme cet arbre nommé triste, qui ne fleurit que la nuit, et perd ses fleurs au lever du soleil.

Il était dans ces sentiments le poète chrétien qui exhala cette plainte mystique :

« Il n’y a que Celui à qui tous les replis du cœur humain sont connus, qui connaisse mes gémissements et mes soupirs : pourquoi crirais-je pour les faire connaître ? Il n’y a que Lui et moi qui les connaissions. Personne ne connaît donc mes gémissements, mes vœux et mes soupirs ; personne, hors nous deux, et cela suffit ! »

(Herman Hugon.)


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CHAPITRE QUATRIÈME.

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DE LA RÉVERSIBILITÉ ET SOLIDARITÉ DE LA PRIÈRE, DE LA DOULEUR, DES BONNES ŒUVRES ET DES MORTIFICATIONS VOLONTAIRES.



Nous avons entendu dire mille fois, nous entendons dire encore chaque jour, que notre siècle est un siècle d’action ; que, dans notre siècle, il faut des hommes d’action. On reconnaît l’action, de la parole, de l’éloquence ; on reconnaît l’action des livres et des journaux ; on reconnaît enfin l’action des bras, des machines, des forces matérielles en général ; mais l’action la plus réelle et la plus puissante, quoique insensible et mystérieuse, l’action de la prière, des bonnes œuvres et des austérités volontaires et expiatoires, on la méconnaît, on va même jusqu’à la nier entièrement : et cependant, c’est