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dans le monde n’est qu’inconstance, déception, perfidie, injustice et malice profonde ; vous qui avez été froissés par lui dans vos plus chères et intimes pensées, trahis dans vos sentiments les plus délicats, et trompés dans vos plus saintes espérances ; vous qu’il a battus du grand flot de ses fiévreuses passions et poussés de désenchantement en désenchantement, jusqu’au sombre désespoir, où le suicide s’est montré à vous !

Oh grief beyond ail other griefs, when fate
First leaves the young heart lone and desolate

In the wide world
Moore.

C’est à vous, qui craignez d’être entraînés par le torrent rapide des idées nouvelles, et submergés par les eaux fangeuses du déluge de la corruption ; vous qui êtes las du flux et du reflux mugissant de tant de passions et de systèmes contraires qui se disputent les cœurs et les esprits, incertains et emportés au milieu du tohu-bohu, du brouhaha, et du go ahead de ce siècle à vapeur !

And when they think they lead, they are most led.
Byron.

As ships drift darkling down the tide,

Nor see the shelves o’er which they ride.
Scott.

C’est à vous, fervents néophytes, nouveaux convertis, jeunes et courageux catholiques, vous qui respirez une atmosphère glaciale et hétérogène, et qui êtes entourés de parents protestants ou mondains ; vous que la froideur ou l’hostilité des autres isole et contraint de vous refouler en vous-mêmes, de réprimer vos élans de piété ardente et d’envelopper de mystère votre amour incompris et taxé de fanatisme ; vous qui éprouvez chaque jour l’esprit contagieux, l’influence mortelle, l’irrésistible ascendant des exemples nombreux et répétés de ceux avec qui vous vivez et conversez, et avec qui cependant vous ne pouvez et ne devez ni sympathiser ni vous identifier ; vous qui avez à éviter tant de pièges qui vous sont tendus, à résister aux attaques directes et aux insinuations perfides des uns, aux menaces et aux caresses des autres, et à vaincre les efforts combinés de tous ceux qui conspirent par esprit de secte contre votre foi et votre fidélité ; vous enfin qui avez dit tant de fois, épuisés par la lutte, et avec une sorte de découragement : « Et l’homme a pour ennemis ceux de sa propre maison ! » (Mich. 7,6.)

C’est à vous qui, éclairés d’en haut et touchés d’un repentir sincère, ne pouvant plus supporter ni le monde, ni le bruit et l’éclat de ses fêtes, ni son importune curiosité, sentez le besoin de chercher dans la solitude un abri contre son esprit pervers, un refuge contre sa corruption, un sanctuaire à votre vertu, un oratoire inaccessible et mystérieux, une cellule étroite et obscure, où pleurer, gémir et méditer, dans le silence et le calme de l’isolement, ne trouvant plus de