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« Pour l’ordinaire chacun a un attrait particulier qui se fait sentir, qui indique les desseins de Dieu. L’attrait de la grâce porte les uns à la mortification, les autres à l’oraison, les uns aux œuvres extérieures du zèle et de la charité, les autres à la solitude et à la retraite ; chacun a son attrait particulier, qui lui marque la voie qu’il doit suivre pour être à Dieu et pour aller au ciel : quand il n’y a pas d’attrait particulier, il faut s’en tenir aux voies ordinaires de la Providence. » (L’Âme Religieuse élevée à la perfection. Beaudrand.)

Les circonstances ne font pas notre vocation, mais nous la révèlent seulement : notre vocation est l’œuvre de Dieu. Nul chrétien ne peut donc embrasser un état quelconque sans y être appelé de Dieu : nullus christianus debet statum aliquem seligere sine divinâ vocatione, nous dit le théologien Jacob Besombes. ( Moralis christiana, tract, IV. cap. IV. art. I.)

Mais quelles sont les âmes qui sont appelées à une vie solitaire, à une vie plus ou moins retirée et contemplative ? Ici nous devons d’abord nous rappeler ce qui a été dit dans le second et dans le septième chapitres.

Pour les personnes, dont l’état de vie n’est pas encore fixé, et qui par conséquent sont libres encore, parmi les motifs qui peuvent les conduire ou les pousser dans la solitude, il y a des motifs d’amour, des motifs de crainte, et des motifs de nécessité : lo des motifs d’amour, tels sont ceux d’une âme innocente et expansive qui sent le besoin de s’éloigner des hommes pour être tout entière à son Créateur, à son Époux divin ; 2o des motifs de crainte, tels sont ceux d’une âme qui a l’expérience de sa faiblesse, qui par cette expérience est devenue craintive et prudente, et qui alarmée veut se mettre à l’abri des dangers pour mieux assurer son salut ; 3o des motifs de nécessité, tels sont ceux d’une âme qui a eu le malheur de tomber et de récidiver souvent, qui se voit toujours dans une occasion prochaine de péché, qui comprend que le monde est pour elle un trop puissant séducteur, un ennemi trop terrible, et que pour le vaincre, il faut le fuir et le combattre à distance.

Ces différents motifs de retraite sont assez bien exprimés dans les beaux vers suivants :

LXIX.
To fly from, need not be to hate, mankind ;
All are not fit with them to stir and toil,
Nor is it discontent to keep the mind
Deep in its fountain, lest it overboil
In the hot throng, where we become the spoil
Of our infection, till too late and long
We may deplore and struggle with the coil,
In wretched interchange of wrong for wrong
Midst a contentious world, striving where none are strong.

LXX.

There, in a moment, we may plunge our years
In fatal penitence, and in the blight
Of our own soul, turn all our blood to tears,
And colour things to come with hues of Night.
……………………………………………….

LXXI.

Is it not better, then, to be alone,…
……………………………………………….
Than join the crushing crowd, doom’d to inflict or bear ?

(Byron. Childe Harold’s pilgrimage.)

………………….How happy he,
Who quits a world where strong temptations try,
And, since’tis hard to combat, learns to fly !

(Goldsmith.)

For safety cautions flight alone remained.

(Mrs Tighe.)


Outre ces motifs décisifs, il en est d’autres qui ne le sont pas moins, ce sont les heureuses disgrâces, les salutaires afflictions, les malheurs providentiels, que la divine miséricorde nous ménage, et qui en tous temps ont jeté tant d’âmes désabusées du monde, dans le port tranquille de la solitude et du salut.

Mais, outre ces derniers motifs en-