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pour se mettre à la suite d’une royauté qui tombait, et résister à un empire qui s’élevait ; c’était un héroïque transfuge de l’Ancien-Monde, et un sublime réfugié dans le Monde-Nouveau. Il venait demander aux déserts incultes ce que les sociétés dégénérées ne pouvaient plus lui donner. Les grandes infortunes recherchent la solitude. L’Exil est une solitude propice à la dignité du malheur. La patrie est là où la vérité est reconnue, la vertu honorée, la Religion mise au-dessus de tout.

Hopoyouksa était l’ami d’Issabé. L’un ne quittait pas l’autre. Ils chassaient ensemble, allumaient le même feu, dormaient sous le même arbre, et la maladie de l’un entraînait presque toujours la maladie de l’autre. Les populeuses cités de la civilisation n’ont jamais vu une amitié plus sincère, une union plus fraternelle, un plus chevaleresque échange de délicates courtoisies : C’était l’esprit de la grande noblesse transporté dans le désert pour y faire revivre les traditions d’honneur et inspirer l’héroïsme des anciens jours. L’extrême aristocratie de la civilisation s’était rencontrée avec l’extrême aristocratie de la nature.

Ce noble exilé de la Bretagne ne pouvait entendre parler de l’ignoble démocratie, de la prosaïque bourgeoisie marchande, et de cette vulgaire aristocratie qui s’appuie sur l’argent. Dans son imposante indignation, il se promenait en tout sens, frappant du talon le sol retentissant,