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laisser échapper par les sens dissolus ? Tu dis que je suis ironique : Est-ce être ironique, que d’éclairer les ténèbres, dont s’enveloppe ta démence ? Tu dis que je suis dédaigneuse : Est-ce être dédaigneuse, que d’opposer un bouclier de glace à tes flèches trempées dans un poison brûlant ? … Insensé jeune homme ! ton amour n’est au fond qu’un sauvage égoïsme. Tu n’y cherches que ta propre satisfaction. Tu n’y veux trouver que toi-même. Tu es la chair, et tu ne poursuis que ce qui est de la chair. Ton amour ne contient que le germe de la mort,—mon amour renferme l’espérance de l’immortalité ; tes appétits sensuels te font graviter vers la terre, la flamme de mes aspirations m’élève vers le ciel : Cesse donc de m’importuner des cris de ta passion délirante : Ce qui est de la terre doit retourner à la terre ; ce qui est du ciel doit remonter au ciel ! Prends ta part, et laisse-moi la mienne. La lampe virginale jette un éclat mystique qui dissipe les illusions des sens. Si tu avais consulté dans la prière le Grand Esprit, le Maître de la vie et des âmes, il t’aurait dit de ne pas venir m’entretenir des rêves extravagants de ton imagination enflammée ! » Elle se tut, et rentra dans sa cabane ; mais son agitation trahissait les combats intérieurs auxquels son âme était livrée.

Sans rien répondre, la tête penchée sous le poids du plus sombre désespoir, l’aigle blessé s’éloigna et disparut dans l’épaisseur des bois.