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plus haute distinction : C’était une domestique aristocrate.

Issabé, depuis quelque temps, venait voir plus souvent sa sœur et lui apportait des chairs plus choisies, et en plus grande abondance ; et, chaque fois, il lui disait tout bas : « Tu en donneras la moitié à Rosalie. » Sa sœur, le regardant en souriant, lui demandait s’il avait vu en rêve un berceau suspendu aux branches du chêne-vert.

Un soir que Rosalie était assise auprès de son feu, qu’elle tisonnait, en fredonnant un air d’une voix aussi triste que celle du whip-poor-will, l’âme plongée dans des rêveries qui l’absorbaient,—Issabé s’approcha doucement d’elle, et lui dit, avec timidité, et d’une voix tremblante : « O fille de la nuit, je t’apporte de la chair d’ours et des châtaignes nouvelles ; j’ai rêvé que le spectre de la faim avait visité ta cabane, et j’ai vu, dans mon sommeil, un berceau suspendu aux branches du chêne-vert. » « O fils de l’aurore, répondit la fille de la nuit, tu parles comme un infortuné qui a perdu la raison, et tu dis des choses qui étonnent l’oreille. » « O la plus belle des filles de la chair, reprit le frère de Lossima, j’ai vu bien des fleurs dans la savane, j’ai regardé toutes les étoiles du ciel, j’ai écouté le chant de chaque oiseau, j’ai entendu les plus douces voix qui charment le silence des nuits ; mais je n’ai rien vu qui soit comparable à ta beauté, rien entendu qui ait la douceur de ta voix ; tu es plus belle que