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maître. Leurs murmures mélodieux, leurs plaintes monotones, leurs longs gémissements et leurs orageuses harmonies la jetaient dans une exaltation que n’eût pas produite l’orgue d’une cathédrale ou l’archet de Paganini. Les arbres lui parlaient, chantaient pour elle, et semblaient s’animer et s’identifier avec elle, comme s’ils étaient devenus des créatures intelligentes et sympathiques. Ils la couvraient de l’épaisseur de leurs feuillages et l’inondaient de la fraîcheur de leurs ombres. Le bruit de la hache qui les abattait, le mugissement de la flamme qui les consumait et l’éclat de la foudre qui les frappait retentissaient douloureusement au fond de son âme. L’ouragan qui les déracinait semblait en même temps arracher ses entrailles. Elle sentait en elle-même le contre-coup de toutes les atteintes qui les blessaient… Ses arbres ! Oh ! ses arbres ! ils avaient mis des siècles à croître, et elle les voyait détruire en quelques heures ; elle les voyait couchés dans la poussière, informes et vermoulus ! Oui ! oui ! mais les ravages des épidémies suivent de près la dévastation des forêts séculaires !